DISSERTATION
X TORE.
PRÉSENTÉE et soutenue à la Faculté de Médecine de
Strasbourg, le Mercredi 14 Mai 1823, à quatre heures
aprés midi,
POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR EN MÉDECINE,
PAR
JEAN-BAPTISTE BOLUT,
DE MOISSEY (DÉPART. DU JURA),
BACHELIER ES-LETTRES, ANCIEN ELEVE DE L'ÉCOLE SPÉCIALE DE PHARMACIE
DE PARIS,
Artem medicam sola experientia fecit,
eadem sola experientia perficiet.
Srorcx, Ann. med.
: STRASBOURG,
De l'imprimerie de F. G. LEVRAULT, impr. de la Faculté de médecine.
1823.
AU
MEILLEUR DES PERES,
ET
A LA PLUS TENDRE DES MÈRES.
Vous m'avez prodigué sans cesse des soins si affectueux, mon
éducation vous a causé tant de sollicitudes, gwen consacrant ma
vie entière à votre bonheur et. à votre satisfaction, il me sera
encore impossible de vous dedommager.
A MON FRÈRE,
Docteur en médecine de la Faculté de Paris, ex-sous-aide-
major au Val-de-Grâce, médecin-adjoint de l'hôpital
de Dóle.
|
|
| Témoignage du plus vif attachement , gage d'une amitié
| inaltér able.
J. BOLUT.
A
MONSIEUR BOLU,
DOCTEUR EN MEDECINE.
HOMMAGE RENDU A SES VERTUS ET 4 SES TALENS.
J. BOLUT.
Professeurs de la Faculté de médecine de Strasbourg.
MM. Coze, Président.
===
TourDESs,
BÉROT,
CAILLIOT, Examinateurs.
FLAMANT,
FoDERÉ,
GERBOIN.
LavrH.
LossrErN.
MASUYER,
MEUNIER. o
NESTLER.
RocrArD, Professeur honoraire.
La Faculté a arrêté que les opinions émises dans les dissertations
qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs, et qu'elle n'entend ni les approuver ni les improuver.
E F
DISSERTATION
LIODE.
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AVANT-PROPOS.
Jore monks pas dissimulé combien le sujet que jai choisi pour
ma Dissertation inaugurale étoit au-dessus de mes forces; cepen-
dant, pour plusieurs raisons, j'ai dû chercher à vaincre les diffi-
cultés qui l'environnent. M'étant livré pendant cinq ans à l'étude
de la chimie et de la pharmacie, jai pensé qu'il étoit de mon
devoir de payer un tribut à ces sciences, dont l'étude attrayante
fit autrefois mes délices, en traitant un sujet tout à la fois chi-
mique et médical; de plus, mon frére ayant soutenu sa thése
sur le goitre quelque temps avant qu'on employát l'iode contre
cette affection, la derniére partie de ma Dissertation pourra ser-
vir de complément à la sienne.
Tout étant nouveau sur ce sujet, j'ai présumé que mon travail
ne seroit pas tout-à-fait dépourvu d'intérét : ce motif seul étoit
bien suflisant pour m'encourager, et engagera peut-étre mes
savans juges à recevoir avec bienveillance ce fruit prématuré de
mes efforts.
6
CHAPITRE 1^
Considérations générales sur l'iode.
$. 1.* De l'histoire chimique de l'iode.
Quand on connoit avec quel succés les chimistes modernes,
par des moyens d'analyse aussi simples que parfaits, soulévent le
voile qui couvre les principes actifs des médicamens que la ma-
tiére médicale nous signaloit depuis long-temps comme héroiques;
quand on sait que depuis ARNAUD DE VILLENEUVE jusqu'à ces
derniers temps l'éponge brülée (oü lon ignoroit la présence de
l'iode) a toujours fait la base des remèdes qui ont été tour à tour
préconisés contre le goitre, on a lieu de s'étonner que la décou-
verte de ce nouvel élément ait été faite accidentellement, et à une
époque aussi avancée, dans un siécle si remarquable par l'essor
immense qu'ont pris presque toutes les sciences naturelles.
C'est à M. Courtois, manufacturier à Paris, que nous devons
la découverte de iode. Cherchant, en 1811, quel pouvoit être
l'agent chimique qui corrodoit les vases métalliques dont il se
servoit pour extraire la soude des cendres de varecs? , il vit avec
étonnement une vapeur violette s'élever d'un résidu salin qu'il
traitoit par l'acide sulfurique, et venir se condenser en paillettes
dans le col de sa cornue. Les occupations multipliées de ce chi-
miste ne lui permettant pas de faire une étude spéciale de la nou-
velle substance qu'il venoit d'obtenir, il en fit part à MM. Dzson-
MES et CLEMENT, les premiers chimistes qui s'en soient occupés.
Ces savans ne donnérent connoissance de leurs recherches que
quelque temps aprés, dans un Mémoire qu'ils lurent à l'Insti-
* On désigne collectivement sous ce nom un genre de plantes cryptogames,
de la famille des algues, que lon recueille sur les rochers ou sur les bords
de la mer, où elles sont quelquefois rejetées par les flots.
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tut le 6 Décembre 1813, époque à laquelle cette découverte fut
seulement proclamée.
M. Gay-Lussac, dont tous les travaux portent l'empreinte de
l'instruction la plus vaste et la plus profonde , ne tarda pas à fer-
tiliser ce champ de recherches si nouveau et si intéressant. Le
précieux travail qu'il publia peu de temps après sur ce nouvel
élément (Ann. de ehim., t. 91, p. 5), a été fait avec tant d'ha-
bileté qu'on ny a presque rien ajouté depuis : aussi, ne pouvant
prendre un meilleur guide, c'est de son Mémoire que j'extrairai
beaucoup de matériaux pour la partie chimique de ma Dissertation.
En ne considérant que la couleur, le poids et l'éclat métallique
de l'iode, on seroit tenté dele prendre pour un métal; mais il n'en
est pas ainsi : le chimiste que je viens de citer, lui ayant reconnu
les propriétés générales des corps combustibles simples non métal-
liques, lui a assigné parmi ceux-ci le rang qu'il occupe encore.
$. 2. De l'état naturel de l'iode.
Ce n'étoit pas assez pour les chimistes modernes de savoir que
. Viode existoit dans la soude de varecs à l'état de combinaison avec
l'hydrogéne et l'oxide de potassium ; leur esprit investigateur de-
voit naturellement les porter à faire une analyse rigoureuse des
différentes plantes que l'on récolte sur les bords de la mer et de
la cendre desquelles on retire cette soude.
M. GAULTIER DE CLAUBRY est le premier chimiste qui se soit
occupé de l'analyse végétale sous ce nouveau point de vue + il
dirigea ses recherches sur un grand nombre de fucus, et donna
connoissance des résultats qu'il avoit obtenus, dans une Thése qu'il
présenta et soutint devant la Faculté des sciences de Paris, le 11 Jan-
vier 1815. Malgré tout lintérét que me présentent les travaux
curieux de ce chimiste, je ne puis le suivre dans les détails. de
ses analyses; je dirai seulement , qu'après avoir traité convena-
blement le fucus saccharinus , le fucus digitatus , le fucus vesi-
to
culosus, le fucus serratus , le fucus silicosus , le fucus filum
et le fucus helmintochorton (Lxx.), il trouva dans tous de l'iode
en plus ou moins grande quantité, et au même état de combi-
naison que dans la soude de warecs, c'est-à-dire, à l'état d'hy-
driodate de potasse. A l'exemple du chimiste frangois que je viens
de citer, M. Davy (Bibl. brit., tome 57, page 349) s'est aussi
occupé de la recherche de l'iode dans quelques plantes marines,
et a obtenu des résultats satisfaisans sur le fucus cartilagineus,
le fucus membranosus ,le fucus filamen , ainsi que sur les espèces
pavonia et linza du genre Ulva (Lin.). Mais, de toutes les pro-
ductions marines, celle qui paroit en recéler davantage, d'aprés
les expériences de M. Fire d'Édimbourg , et de M. Straus (Bibl.
univ., tom. 14, page 201), c'est sans contredit l'éponge ordinaire,
spongia officinalis. Le dernier de ces chimistes, frappé de Fana-
logie qu'il trouva entre l'odeur de la tourbe en combustion et celle
de l'iode, fut conduit à y rechercher ce curieux corps simple; et
il l'y rencontra en très-petite quantité.
Liode ne paroit pas faire une des parties constituantes des pro-
ductions marines; il sembleroit n'y étre qu'accidentellement mé-
langé , puisque, d’après les expériences de M. Cornper (Bibl. univ.,
tom. 14, page 194), il n'existe pas dans les alkalis préparés en
Sicile, en Espagne et dans les États romains.
S. 3. De l'extraction de l'iode.
On pourroit, à la rigueur, extraire Viode de toutes les substances
naturelles qui le possèdent à l'état d'hydriodate de potasse ; mais
on devra préférer à Juste titre celles où les molécules de ce sel
sont plus abondantes : de ce nombre sont le soude de varecs
et Veponge brülée. En effet, si on lessive cette derniére prépara-
tion, et que l'on verse peu à peu de l'acide sulfurique dans la
liqueur filtrée et concentrée, on obtiendra de l'iode en la distil-
lant convenablement. Mais, de tous les procédés, le plus écono-
odi
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inique et le plus généralement suivi est celui-ci, qui est consigné
dans tous les traités de chimie. On prend les eaux-mères de la soude
de varecs ; on les concentre et on les introduit dans une cornue,
aprés y avoir versé, par petites portions, une suffisante quantité
d'acide sulfurique concentré; on adapte à son col un ballon bitu-
bulé, et on chauffe doucement.
D'après M. THomson (tome 1.", page 2259 on peut perfec-
tionner ce procédé par l'addition d'une certaine quantité d'oxide
de manganèse pulvérisé: cet oxide cédant facilement une portion
de son oxigène, celui-ci se combine avec l'hydrogène de l'acide
hydriodique pour former de l'eau. On évite ainsi la désoxigénation
de l'acide sulfurique , le dégagement de l'acide sulfureux, et la
formation du sulfure d'iode. Cette opération devient par lä bien
plus prompte, l'iode qu'elle fournit est plus pur et plus abondant :
elle mérite donc la préférence à tous égards.
S. 4. Des propriétés physiques et chimiques de l'iode.
L'iode est solide à la température ordinaire ; il se présente le plus
souvent sous la forme de lames cristallines d'une couleur grise
noirátre, ayant l'aspect métallique de la plombagine. Ce corps
simple peut se présenter aussi en paillettes semblables à celles du
Jer micacé; d'autres fois il est en lames rhomboidales assez larges
et d'un brillant magnifique. Enfin, M. Gay-Lussac l'a obtenu en
octaédres allongés, d'environ un centimétre de longueur. Sous
toutes ces formes sa ténacité est toujours trés-foible. Quand liode
est en masse amorphe, sa cassure est facile et présente un aspect
gras, lamelleux ; il a une odeur très-désagréable et assez analogue
à celle du chlorure de soufre ou du chlore lui-méme : sa saveur
est d'une ácreté extréme, et se prolonge long-temps dans la gorge.
Broyé entre deux doigts, ou appliqué sur une partie quelconque
de la peau , il lui imprime une teinte Jaune qui se dissipe peu à
peu. Enveloppé dans du papier, il le colore en jaune brunátre, puis
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il finit par le corrôder. Il jouit, comme le chlore, de Ia propriété
remarquable de détruire les couleurs végétales, mais avec moins
d'énergie. Sa pesanteur spécifique est de 4.946.
' Quoique l'iode soit trés-sapide, il est trés-peu soluble dans l'eau;
à froid elle n'en dissout qu'environ un sept-milliéme de son poids, ce
qui suffit cependant pour lui donner une belle couleur jaune
orangée , et une odeuranalogue à celle des productions marines. Il
est trés- soluble dans léther, et l'alcool bien rectifié. Il entre en
fusion à une température de 107°, thermomètre centrigade , et se
réduit en vapeurs d'une belle couleur violette cramoisie à celle de
175° sous la pression ordinaire. C'est d’après ce caractère essentiel
que M. Gay-Lussac lui a donné le nom d'iode, dérivé de iore ,
violaceus (qui ressemble à la violette); nom qui fut dés-lors admis
par tous les chimistes. Il se réduit également en vapeurs lors-
qu'il est dissous ou suspendu dans l'eau, et passe dans le récipient
avec celle-ci, à la maniére des huiles volatiles. Cette substance
jouit de la propriété de se combiner avec la plupart des corps
combustibles simples, métalliques ct non métalliques, pour former
des iodures. On ne sauroit le combiner avec l'oxigéne à l'état
gazeux; mais, lorsqu'il se rencontre avec lui à l'état de gaz naissant,
il s'y unit trés-bien et donne l'acide iodigue. Son affinité pour l'hy-
drogene est telle que non-seulement il s'unit à lui à l'état gazeux,
à une température élevée, mais encore qu'il l'enlève à un très-
grand nombre de corps, sans le concours de cette circonstance,
pour donner naissance à un nouvel hydracide , appelé par M. Gav-
Lussa cacide hydriodique. Aucun de ces composés binaires n'ayant
encore été étudié d'une maniére assez particuliére pour meriter
un rang parmi les substances médicinales, je ne m'en occuperai
pas davantage.
Si l'on soumet un composé d'iode à l’action de la pile galva-
nique, ce corps simple se rend toujours au póle positif.
L'iode et l'amidon sont l'un pour l'autre des réactifs si sensibles,
Xx
11
que le premier décéle la moindre trace du second, et vice versá :
Fiodure qui résulte de la combinaison de ces deux substances,
varie en couleur du. violet clair au bleu le plus foncé, suivant
leur quantité respective.
CHAPITRE IL
Des préparations pharmaceutiques de Viode.
De l'hydriodate dé potasse.
De tous les composés chimiques celui qu'il importe surtout au
praticien de connoitre, c'est sans contredit l'hydriodate de potasse,
puisque ce sel forme la base de médicamens qui lui fournissent
de trés-grands succés en pratique. Celui que l'on rencontre dans
le commerce à l'état de pureté, est constamment un. produit de
l'art, parce qu'on n'a pas encore pu parvenir à l'isoler complete-
ment des différentes substances avec lesquelles il est incorporé à
l'état naturel.
On peut obtenir l'hydriodate de potasse en saturant directement
l'acide hydriodique par la potasse pure; il peut encore étre obtenu
en traitant une solution de potasse pure par l'iode : mais un pro-
cédé qui me paroit mériter justement d'étre préféré à ceux-ci , est le
suivant, que vient de faire connoitre M. Baur (Journ. de pharm.,
tom. 9, p. 27). Il consiste à traiter de Viode délayé dans de l'eau par
la limaille de fer; puis à décomposer l'hydriodate de fer qui s'est
formé, par le sous-carbonate de potasse pure. Dans le dernier temps
de cette opération il y a échange de base entre les deux acides,
formation d'un carbonate de fer insoluble, qui se précipite, et
d'un hydriodate alkalin trés-soluble, qu'il est facile d'isoler au
moyen d'un filtre. Le sel que l'on obtient de cette liqueur éva-
porée à plusieurs reprises à une chaleur douce, est en cristaux
d'un blanc laiteux; ila une saveur fraiche, alkaline, puis âcre :
il se dissout trös-bien dans l'alcool; il est un peu déliquescent et
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trés-soluble dans Peau. Ce solutum peut dissoudre encore autant
. d'iode pur qu'il y en a déjà en combinaison intime dans lhydrio-
date; il acquiert une couleur brune, et constitue ainsi um
hydriodate ioduré.
Toutes les préparations dont Je vais désormais m'occuper, sont
magistrales : je me bornerai à un trés-petit nombre, que jem-
prunterai de M. Henry (Journ. de pharm., tom. 8, p. 99).
————————————————————————————————————————————— À
MÉDICAMENS INTERNES. MÉDICAMENS EXTERNES.
N? 1. Teinture d'iode. N? 4. Pommade d'iode.
Toden remote odce nE: gr.X.
'ATCOOIBOE OE io AXONS MN Zi-
BT S. D [TS I
N° 2. Solution d'hydriodate N^ 5. Pommade d'hydriodate
de potasse. de potasse.
Hydriodate de potasse. . 38 Hydriodate de potasse sec. 38
Eau, distillées- dia CO. Axongela tiot. ati 017
F. S. L. F. S: L.
N.° 3. Solution d'hydriodate de N.* 6. Pommade d'hydriodate de
potasse ioduree. potasse iodurée.
Hydriodate de potasse. . 38 Hydriodate de potasse. . 38
oder seassa s ON ldles -o ao lot 00 oS
Eau distillée . . . . . ‘3j. JOIS QE à + 7 c le
F. S. L. F. S. 1.
La teinture n.? 1 fut pendant quelque temps le seul médicament
diode dont on se servit; mais la pharmacie ne tarda pas à s'en-
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richir d'un grand nombre d'autres préparations, plus constantes dans
leur composition et jouissant des mémes propriétés médicinales.
Outre celles dont jai fait mention ici, elle posséde encore des
sirops, des tablettes, des pilules d'iode, etc.: les plus accréditées
sont les solutions n." 2 et 3, et les pommades n.” 5 et 6.
CHAPITRE III.
De l'action de Viode sur l'économie animale.
L'expérience seule a appris, et seule elle peut encore apprendre,
lorsqu'elle est bien dirigée, l'action que peut avoir sur le corps
vivant une substance connue et bien déterminée. Cette action
n'est point susceptible d'une démonstration matérielle et mathé-
matique, comme les lois physiques et chimiques; ce n'est que par
une observation clinique, attentive et raisonnée, et des essais répétés
sur les animaux, que l'on peut parvenir à l'apprécier justement.
S'il ne nous est pas permis de dévoiler l'essence de la force active
d'une matiére médicinale simple, au moins pouvons- nous nous
assurer qu'elle est une, invariable; qu'elle n'a qu'une maniére de se
produire , de se manifester ; qu'elle ne varie que quand les matériaux
de la substance d’où elle émane, se sont dénaturés. « C'est toujours
« uneaction de méme nature, dit M. BARBIER (Mat. méd., tom. 1.",
« P- 49), qu'un agent pharmaceutique exerce sur les tissus avec
« lesquels on le met en contact ; et, s'il survient tant de variations
« dans les effets que les mêmes medicamens font naître, c'est dans
« l'état actuel du corps qu'il faut en chercher l'explication. »
Cette assertion, qui ne pouvoit émaner que d'un observateur
aussi éclairé, me paroit de la plus haute importance pour la pra-
tique. C'est sur elle que repose toute la thérapeutique; elle seule
peut nous aider à débrouiller et à nous rendre compte de la diver-
sité d'opinions sur la maniére d'agir de telle ou telle substance
médicinale : c'est d'aprés elle encore que l'on pourra savoir à quoi
2
j 14
s'en tenir sur les observations que plusieurs médecins ont commu-
niquées à M. Cornper, et dans lesquelles ils disent, « qu'il paroi-
« troit que certaines constitutions sont gravement affectées des
« mémes doses d'iode que d'autres sujets prennent impunément,
« c'est-à-dire, que les effets en sont irréguliers. ^ (Bibl. univ.,
Décemb. 1820, p. 330). Cette dissemblance insidieuse d'actions,
cette différence des résultats fournis par ce stimulant, ne peuvent
dépendre que de ce qu'on n'a tenu aucun compte de l’âge, du
sexe, du tempérament, de la susceptibilité des organes, des in-
fluences hygiéniques; ou qu'on a mal apprécié l’état actuel de
lestomac, et négligé de s'assurer que ce viscére étoit dans son
rhythme physiologique, avant de le mettre en contact avec l'agent
thérapeutique dont il alloit étre le dépositaire et ou il devoit
exercer d'abord la force agissante qui lui est propre.
Tout ce que l'on sait touchant l'action de l'iode sur l’économie
animale, est dû aux nombreuses experiences de MM. Onrira et
MAGENDIE, ainsi qu'aux intéressantes recherches de M. le docteur
Coinper. Le premier de ces savans poussa le zèle et le dévouement
à la science jusqu'à se constituer lui-méme le sujet de son obser-
vation, en prenant de l'iode à des doses différentes , afin de déter-
miner d'une manière plus précise ses effets sur l'homme. Layant
pris à la.dose de 2 grains à jeun, il éprouva seulement des nau-
sées; à celle de 4 grains, il ressentit sur-le-champ une constriction
et une chaleur à la gorge, qui furent bientót suivies de vomisse-
mens de matiéres Jaunátres; à celle de 6 grains, il éprouva les
mêmes symptômes, plus de l'épigastralgie , des vomissemens bi-
lieux abondans, avec un peu de dyspnée, un sentiment de lassitude
et de brisement dans les membres et un léger mouvement fébrile.
Si l'on examine l’ensemble de ces symptômes avec un esprit
d'analyse et d'observation, il me semble que l'on peut parvenir
aisément à reconnoître une gastrite, qui n'attendoit plus qu'une
dose de la substance stimulante pour devenir plus aigué et plus
I
15
grave. L'épigastralgie, les éructations, les nausées, les vomissemens
n'en sont-ils pas une preuve incontestable, que viennent encore
fortifier l'accélération du pouls, l'augmentation de la chaleur de
la peau, la dyspnée, et le sentiment de lassitude et de brisement
dans les membres?
Persuadé que la maniére d'agir des médicamens et des poisons
est la méme sur l'homme et sur les animaux, M. Onrira ( Toxic.
génér. , tom. 1.", p. 551) administra à plusieurs chiens des doses
différentes d'iode. Il résulte de ses expériences, qu'à la dose de 3]
il cause constamment la mort en quatre ou cinq jours, si l'on a
lié œsophage pour s'opposer à son expulsion; qu'à celle de 3ij il
produit rarement la mort, quand les chiens le rejettent par des
vomissemens réitérés peu de temps aprés son ingestion; mais
qu’il la produit infailliblement, lorsque le vomissement n'arrive
qu'aprés quelques heures; que ces animaux, qui succombent à
une gastrite des plus aiguës, présentent , lors de leur ouverture, un
estomac contracté, dont la mugueuse, enflammée dans toute son
épaisseur et facile à déchirer, offre cà et là des ulcérations plus
ou moins profondes.
M. Macenpn1E (Nouv. form., p. 75) a tod la teinture
diode n.°: dans les veines de plusieurs chiens, à la dose de sj,
sans qu'il en soit résulté chez aucun le moindre effet apparent.
Tout ce que j'ai dit jusqu'à présent de l'action de l'iode sur
l'économie animale, à des doses toujours capables de donner lieu
à des lésions de tissus, de déranger les mouvemens organiques,
n'intéresse guère le thérapeutiste, qui cherche dans ce corps simple,
non pas un agent délétére, un stimulant incendiaire, mais un
excitant bienfaisant, lorsqu'il est administré à des doses beaucoup
plus foibles, et que rien ne contre-indique son emploi. Ces degrés
différens d'une méme action ne sont point exclusifs à ce nouveau
corps; car on sait, dés l'antiquité la plus reculée, que tous les mé-
dicamens énergiques agissent d'une maniére différente , selon qu'ils
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sont introduits dans l'économie à grandes ou à petites doses : dans
le premier cas, ils déterminent de véritables empoisonnemens
promptement mortels; dans le second, ils produisent des réactions
organiques plus ou moins appréciables, qui sont propres à chacun
d'eux. C'est sous ce dernier point de vue que Je vais étudier Viode,
et tácher de déterminer quel est son mode d'action quand le
praticien, l'employantà des doses trés-foibles, cherche à éviter les ré-
sultats fâcheux de son actionlocale ou primitive sur l'organe digestif.
Administré à la dose d'un grain à un grain et demi par jour, en
plusieurs fois, 11 ne produit sur l'estomac qu'une douce excitation
tonique, il ne fait plus que le stimuler: ce qui le prouve, c'est
la plus grande activité de ce viscére à digérer les alimens, et le
besoin plus souvent ressenti d'en prendre de nouveaux, dans les
premiers temps que l'on faitusage de ce médicament. Mais, comme
toutes les affections où l'on a préconisé Viode portent l'empreinte
de la torpeur, de la chronicité ; qu'elles exigent une médication
lente et suivie ; si on l'adresse à l'organe malade sans s'occuper de
'état actuel de celui qui le regoit, ce dernier, soumis à une série
d'excitations répétées, en conserve l'impression d'une manière per-
sistante et donnne lieu à la gastrite chronique. C'est alors que la
scene change peu à peu, et'gue le malade éprouve des rongemens
ou des coliques d'estomac, une toux séche, de la douleur dans la
poitrine; il tombe dans un état de foiblesse et d'amaigrissement
plus ou moins considérable : résultats inévitables de cette terrible
affection, trés-souvent méconnue.
Incorporé dans une substance grasse, et employé en frictions ou
en topique, l'iode agit à la manière des irritans; il imprime de
plus une teinte Jaune, quelquefois assez foncée, aux parties avec
lesquelles il se trouve en contact.
Verse dans le torrent de la circulation par les vaisseaux lym-
phatiques de l'abdomen, ou parles sugoirs absorbans de l'enveloppe
cutanée, quand ila été employé en frictions, ses molécules sont
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portées avec le sang dans toute l’économie, se mettent en contact
avec la fibre qui forme la trame des organes, et y suscitent différens
phénomènes, différens mouvemens, qui sont difficilement appréciés.
Il ne provoque pas de sueurs, il n'augmente ni la quantité des
selles ni celle des urines ; mais, d’après M. Coinper (lieu cité,
tome 14, page 198), il porte son action directement sur le
système reproducteur, et spécialement sur l'utérus et les glandes
mammaires chez la femme : il est un stimulant très-puissant du
système lymphatique, il en développe la sensit Ue et la contracti-
lite, et active ainsi sa vitalite.
L'iode étant encore peu connu hors du monde médical, étant
cher et peu répandu dans le commerce, je ne sache pas qu'il ait
déjà servi d'instrument délétère à aucun lâche malfaiteur : il a bien
donné lieu, en Suisse, à des événemens fâcheux chez quelques
“personnes imprudentes, qui en avoient fait un étrange abus, ou
qui en faisoient habituellement usage à des doses trop fortes; mais
tout cela n'a été qu'accidentel. Je ne m'occuperai donc point de
l'iode sous le rapport médico-légal ; j'ajouterai seulement que M.
Orria, qui a fait une étude toute spéciale de son mode d'action
sur l'économie animale, la classé dans la nombreuse série des
poisons irritans, corrosifs ou escaroliques.
CHAPITRE IV.
De l'emploi thérapeutique des préparations d'iode.
$i leuthousiasme qu'excita dans quelques esprits la nouvelle
chimie, si féconde en beaux résultats, donna lieu, vers la fin du
siécle dernier, à une innovation qui eut assez de partisans pour
retarder les progrés de la physiologie et de la médecine; si, par ses
théories plus ou moins ingénieuses, elle menaca un moment de
faire entrer peu à peu la science de la vie dans la science toute
18
matérielle des affinités; combien ne nous dedommage-t-elle pas
aujourd’hui de ces travers ambitieux, en nous faisant connoitre
exactement les divers élémens qui composent les substances médi-
cinales, ou en enrichissant chaque jour la thérapeutique de médi-
camens simples et héroiques, tels que l’émétine, la strychnine, les
alkalis des quinquinas , Viode, etc. !
Depuis l'époque de sa découverte, cette derniére substance
n'avoit été pour le médecin qu'un objet de pure curiosité : les
expériences faites par M. Onriza sur des animaux qui avoient
succombé promptement à son ingestion dans les voies digestives,
sembloient l'avoir condamnée à un oubli éternel. Ce n'est qu'en
Juillet 1820 que M. le docteur Coinpzr, de Genève, la fit con-
noitre comme un reméde qui lui avoit fourni contre le goitre des
succès qu'il n'avoit encore obtenus d'aucune autre substance.
L'expérience lui apprit qu'en restreignant sagement l'activité de ce
stimulant énergique dans des limites assez étroites pour que son
exercice sur l'économie animale ne fût plus pernicieux, il pouvoit
devenir du plus grand secours contre une affection si souvent
rebelle aux moyens thérapeutiques ordinaires.
. À peine ce praticien distingué eut-il fait eonnoitre, avec le
désintéressement et la philantropie qui caractérisent le médecin
pénétré de la supériorité de son art, les succés éclatans qu'il avoit
déjà obtenus de son nouveau remède, que les enthousiastes crièrent
merveille, et proclamèrent à l'envi ses vertus prodigieuses. Cha-
cun s'empressa de mettre à profit cette importante découverte :
tous les goftreux en prirent indistinctement, et le plus souvent
sans consulter d'autres médecins qu'eux- mémes. Quelle devoit
étre l'issue des éloges fastueux et de la célébrité populaire d'un
stimulant aussi énergique, qui étoit devenu d'un usage général?
Son abus promettoit-il autre chose que des accidens? Son em-
ploi inconsidéré pouvoit-il donner d'autres résultats que des
phlegmasies gastriques épouvantables, et mille fois plus graves
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que l'affection que l'on vouloit combattre? Personne n'oseroit le
nier; on ne doit méme point s'étonner qu'étant devenu une arme
meurtrière entre les mains du peuple genevois, l'autorité ait voulu
prohiber son emploi. La défaveur et la terreur qu'on Jeta sur lui,
furent méme telles, qu'il n'y a que les clameurs excitées contre
Vinoculation de la variole et la vaccine, les sarcasmes spirituels
lancés par le caustique Guy-Patin contre l'antimoine, qui puissent
être comparés aux oppositions nombreuses qu'éprouva l'emploi
thérapeutique de ce nouveau spécifique.
Mais, fort de succès réels, étranger à l'enthousiasme et à la pré-
vention, méprisant également les clameurs et l'encens populaires,
M. Coinper ne se laissa pas abattre par quelques rumeurs, quel-
ques controverses , qui ne pouvoient que retarder le triomphe de la
vérité : aidé du double appui de l'expérience et du raisonnement,
il soumit derechef l'emploi des préparations d'iode au creuset de
l'observation, et mettant à profit les résultats divers que lui avoit
fournis l'usage banal et inconsidéré de ce nouveau reméde, il sut
mieux en régler l'emploi et le dégager des prestiges dont on l'avoit
entouré. Depuis ce temps, ce nouveau médicament a été un objet
de recherches et d'observations pour un si grand nombre de prati-
ciens distingués; les résultats heureux qu'ils en ontobtenus contre
le goitre sont si multipliés, si authentiques; ils ont réuni tant
de suffrages, que son efficacité n'est plus un problème que pour
ceux-là seuls qui, par une prévention mal fondée ou par une anti-
paihie invincible pour tout ce qui est nouveau , opposent encore des
doutes à cet égard. Maintenant, que l'on sait que c'est à un sel
d'iode qu'il faut attribuer les guérisons de goitres obtenues depuis
le treizième siècle avec l'éponge brûlée, quelle immense quantité
d'observations curieuses ne pourroit-on pas cumuler, pour les ajou-
ter encore aux succès presque merveilleux que l'on retire chaque
jour de l'emploi habilement dirigé des préparations de ce précieux
corps simple |
20
L'action immediate de ce nouveau médicament est si énergique,
la stimulation qu'il produit sur l'estomac , dont l'intégrité est indis-
pensable à l'entretien de la vie, est si forte, que son administra-
tion à l'intérieur réclame du médecin une surveillance continuelle
et une modération scrupuleuse. Il faut en faire un long usage à
des doses modérées, comme de la plupart des médicamens éner-
giques, afin qu'il amène graduellement une sorte de modification
dans la nutrition. de la thyroide, et fasse ainsi recouvrer à cet
organe son état physiologique. D'aprés cela on congoit que, plus
le sujet sera jeune, plus la tumeur de ce corps glandiforme sera
récente, mieux seront fondées les espérances que l'on pourra
avoir; car son action, toute puissante qu'elle est, ne sauroit rétablir
le parenchyme de cet organe dans son état primitif, lorsqu'il y a
une dégénération de toute sa masse, ou seulement des alterations
variées, telles que des noyaux squirrheux, des concrétions carti-
lagineuses, osseuses, calcaires, etc.
Toutes les préparations pharmaceutiques dont l'iode forme la
base, Jouissent en général d'une propriété analogue; cependant
le plus grand nombre des praticiens donnent la préférence à celle
où il entre à l'état d'hydriodate alkalin. Au demeurant, quelles que
soient celles de ces préparations numérotées , 1, 2 et 3, quel'on
emploie, la dose et le mode d'administration en sont les mémes :
pour un adulte, on en fait prendre de 6 à 8 gouttes dans un demi-
verre d'eau sucrée , le matin à jeun, en se levant; une seconde
dose sur les dix heures, et une troisiéme en se couchant, quelque
temps aprés le souper. Quand on soupçonne que l'estomac s'est déjà
familiarisé avec ce stimulant, ce qui arrive le plus ordinairement
vers la fin de la premiére semaine , on augmente chaque dose de 2 ou
3 gouttes ; enfin, quelques jours plus tard , si l'estomac ne paroit pas
étre affecté désagréablement de ce médicament et qu'il ne suscite
pas le moindre trouble dans l'économie, on peut l'augmenter en-
core et le porter jusqu'à 12 ou 15 gouttes, trois fois par jour. On
[
À
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doit rarement dépasser cette dose; elle a presque toujours suffi
aux praticiens pour dissiper les goitres les plus volumineux, lors-
qu'ils n'étoient qu'un développement excessif du corps thyroïde,
sans autre lésion organique.
Il n'est guère possible d'assigner une marche et une durée pré-
cises au traitement du goitre par l'iode; il varie ordinairement de
six semaines à deux mois, quand il nesurvient, dans l'état de santé,
aucune déviation qui force à le suspendre ou à labandonner
tout-à-fait : quant à sa marche, voici le sage conseil que donne
M. Cornper (lieu cité); il est le fruit de son expérience et de ses
observations multipliées. « Je crois, dit-il , qu'il faut épier le moment
« où l'iode va manifester son action, le suspendre sur-le-champ,
« et le reprendre huit ou dix jours aprés, c’est-à-dire au moment
« où doit finir l'action de celui qu'on a précédemment administré;
« le quitter de nouveau, pour le reprendre et le laisser encore, en
« observant à peu prés les mêmes règles, à cet égard, que tout mé-
« decin prudent suit dans l'administration du mercure. »
Les effets fácheux que peut occasioner l'iode employé à l'inté-
rieur sans discernement, ne pouvoient pas manquer de déterminer
les praticiens placés dans des circonstances favorables, à essayer
de confier ce médicament à labsorption cutanée. Les premiers
essais en furent encore faits par M. Corner; et cette nouvelle
maniére d'employer son reméde, aussi simple que facile, et exempte
de la plupart des reproches adressés à la précédente, lui a fourni
des succés étonnans. Dans une notice que ce sayant praticien publia
dans la Bibliothèque universelle, cahier d Avril 1821, il conseille
d'employer une des pommades numérotées 5 et 6, de la manière
suivante : on en prend gros comme un pois, pour faire des fric-
tions soir et matin sur la tumeur, jusqu'à entière absorption; puis
on entoure le cou d'une cravate.
Cette nouvelle manière d'employer l'iode est d'autant préférable
qu'elle n'exige pas du médecin une surveillance aussi active,
2
22
parce que la peau est moins irritable que la muqueuse gastrique;
que, l'impression immédiate ou locale qu'il produit étant tres-faci-
lement appréciée, on a des moyens plus directs et plus efficaces
pour la faire cesser, et qu'enfin les goitreux, toujours impatiens
d'étre débarrassés d'une tumeur qui frappe aussitót la vue par sa
situation, ne peuvent guére en dépasser la dose, parce que des
frictions trop souvent répétées, ou une quantité trop forte de pom-
made, ne tardent pas à déterminer de la rougeur, de la tension
dans la partie, une éruption pustuleuse et des douleurs plus ou
moins vives dans le cou.
La peau, percée d'une infinité de pores, pourvue d'un nombre
prodigieux de bouches aspirantes, ayant les connexions les plus
intimes et les plus directes avec le goitre sur lequel on veut agir;
ne pouvoit pas offrir des conditions plus favorables à l'emploi de
Viode par les frictions. Cette manière de l'employer présente autant
d'avantages que l'autre peut causer d'inconvéniens, lorsqu'elle est
sulvie sans discernement. Dans la médication locale tout concourt
au méme but : par le frottement, les parties qui forment l'engorge-
ment éprouvent déjà une espéce d'ébranlement, une sorte de mou-
vement organique , que la puissance du médicament absorbé vient
encore accroître et soutenir. —
Malgré les avantages beaucoup plus grands que l'on obtient
du remède de M. Coiwpzr, employé en frictions, on ne doit
pas exclure tout-à-fait son administration intérieure ; car dans
quelques cas, à la vérité trés-rares , ces deux méthodes pour-
ront étre auxiliaires l'une de l'autre, spécialement quand. on aura
affaire à des goitres d'un volume excessif, développés chez des
individus d'une complexion molle, apathique, qui sont peu sen-
sibles, dont le systéme gastrique est peu excitable et surtout en
trés-bon état.
Quelle que soit du reste la méthode de traitement que l'on
suive, si le goitre devient tout à coup plus volumineux, qu'il s'y
Il
HE mii
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développe des douleurs plus ou moins vives, et qu'elles persis-
tent malgré sa suspension, on retire un trés-grand avantage des
applications de sangsues et des topiques émolliens. Ces moyens,
employés par M. Cornper, sans qu'il y ait méme un état d'exci-
tation aussi considérable dans la tumeur, lui ont fourni des succés
inespérés contre des goitres énormes, qui menaçoient de donner
lieu aux phénoménes secondaires les plus graves, tels que la suf-
focation , Vapoplexie, etc.
Bien que le goitre soit une affection purement locale, je ne
saurois trop. dissuader les personnes qui en sont affectées de re-
garder son traitement par l'iode en frictions comme si simple
qu'il n'exige aucune précaution, aucune surveillance : je dirai, au
contraire, qu'il n'y a que le médecin qui puisse le diriger, qui
puisse savoir quand et comment il faut agir, l'époque à laquelle
il convient de s'arréter ; que lui seul peut prendre en considération
les circonstances hygiéniques capables d'exercer quelque influence
sur l'écononiie, etc., parce que tout cela exige un concours heureux
de connoissances, une expérience et un tact médical, qui ne
sont donnés qu'à l'observateur consommé. |
La suppression de l'école de Paris m'ayant amené à Strasbourg,
où le goître est endémique; il me seroit facile d'enrichir mon tra-
vail d'un grand nombre d'observations curieuses dans lesquelles
l'iode, administré en frictions sur des goîtres énormes, a produit
des cures merveilleuses; mais les détails dans lesquels je serois
obligé d'entrer, me conduiroient beaucoup trop loin.
Quoique depuis trois ans seulement l'iode ait été introduit dans
la matiére médicale, on a déjà varié à l'infini ses applications thé-
rapeutigues. M. GimELLE (Journ. univers. des sc. médic., t. 25,
p. 5) le préconise contre la leucorrhée, et rapporte plusieurs obser-
vations des succès qu'il ena obtenus. M. Baup (Bibl. univ., tom. 18,
p.206) le regardé comme un spécifique contre le goitre ct les
divers engorgemens glanduleux , un puissant stimulant du système
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lymphatique, qui augmente son action absorbante, et par lä faci-
lite la resolution de ces engorgemens. Il en a obtenu de doubles
succès chez des individus qui portoient, les uns des engorgemens
scrophuleux sous la mächoire ; les autres, des ulceres scrophuleux
trös-anciens ; d'autres, enfin, des engorgemens chronigues des
parotides en méme temps que des goitres. M. Conner ( lieu cite),
gui fonde sur ce medicament les plus grandes esperances, pense
que l’on pourra en retirer un grand avantage dans certaines affections
chroniques de l'utérus, les diverses lésions du systéme lymphatique,
les différentes complications de la maladie vénérienne. Il l'a aussi
employé avec succés, chez des femmes chlorotiques, aux mémes
doses que celles que j'ai indiquées pour le goitre. Mais, de toutes
ces applications, celle que l'expérience paroit avoir déjà confirmée
par des résultats heureux, c'est son administration en frictions sur
les tumeurs lymphatiques sous-cutanées indolentes , sans rou-
geur, ni douleur, ni chaleur.
Sans vouloir insinuer que ce reméde précieux puisse devenir une
panacée universelle , quand ses applications thérapeutiques seront
mieux connues , on peut dire que c'est une terre encore peu dé-
frichée, qui promet les plus beaux fruits.
ii FIN.